D'après la vie banale et extraordinaire de Dominique M, dite "Mado".
C’est l’histoire de ma mère. Enfin, c’est mon regard sur l’histoire de ma mère. Sur ce que je crois être une partie de sa vie. Ce sont mes projections, ce que j’imagine, ce que j’espère ou redoute. C’est une belle histoire. L’histoire d’une femme qui a été infirmière toute sa vie, une des pionnières des soins palliatifs en France, qui a accompagné des milliers de personnes dans la mort et qui devient à son tour patiente. L’histoire de son parcours de soins chaotique, de son cancer qu’elle appelait Raoul, d’un dossier qu’on se refile. D’une passeuse d’âmes, sœur d’une guerrière de l’ombre. L’histoire d’une femme qui a été diagnostiquée bipolaire à 64 ans. Qui est morte à 65 ans, seulement 4 mois après sa retraite. Une héroïne des temps modernes. Une femme qui, comme tant d’autres, a tout fait pour être libre et qui, comme tant d’autres, s’est brûlée. Elle collectionnait le bois flotté et les cailloux en forme de cœur et se levait et applaudissait à tout rompre à la fin du film. Parfois elle hurlait : « À l’abordage » déguisée en pirate, après s’être fait des cicatrices au bouchon brûlé sur le visage. C’est l’histoire d’une femme clown au coeur grand comme le monde. C’est aussi l’histoire de fantômes qui errent, restant coincés entre ici et là-bas. De loups qui hurlent à la lune. De cailloux qui sont beaux dans l’eau. D’amours passionnés, passionnels. De rêves réalisés et d’autres non. De dernières paroles dites sans qu’il n’y ait plus de mots. De la trêve d’un combat. Cette histoire est banale et extraordinaire. Elle parle de la vie et de la mort. C’est une histoire autour de tout ce qu’on se trimballe et qui ne nous appartient pas, familialement ou sociétalement. C’est aussi un questionnement autour de ce qu’on appelle folie, autour de ce mot et de comment sa simple évocation modifie notre regard. L’autre est le même, et pourtant…
En écrivant à partir de sa vie, je voudrais rendre hommage à toutes les personnes qui sont en décalage quoiqu’iels fassent et qui même si ça leur est bien plus difficile qu’aux autres, réussissent, malgré tout, à vivre et n’en deviennent que plus flamboyant.e.s.
Juliette Duret
« Dans l'eau tous les cailloux sont beaux »
Résidence d'écriture