A la suite de l’annulation de « Pérégrinations », j’ai proposé à l’équipe du boson, de transformer ce mois de février initialement prévu pour les répétitions de cet évènement, en une résidence de création autour de mon prochain spectacle : Partir.
En voici quelques mots …
En mars 2020, mon père est diagnostiqué en fin de vie. Il a 82 ans. Avec mes frères et sœurs, nous le retirons de la maison de repos pour le ramener à la maison. Il y meurt le 2 avril. Suite à la fièvre et aux difficultés respiratoires des derniers jours, le médecin déclare une suspicion de Covid-19. Là, tout bascule.
Une heure plus tard, les pompes funèbres débarquent en combinaison blanche, gantés, masqués, tels des liquidateurs de Tchernobyl arrivant sur une terre contaminée. Ils enferment le corps de notre père dans un grand sac en plastique et repartent aussi sec. D’un coup, c’est fini. Le lit est vide. Avec mes frères et sœurs, nous nous regardons, hébétés. « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Avec la suspicion de Covid s’insinuent la peur et le doute… Chacun rentre chez soi et l’organisation de l’enterrement se fait par Zoom.
Pas de veillée, juste une cérémonie expédiée en petit comité sous l’œil très vigilant du personnel du cimetière. Un moment volé.
Résigné, j’ai suivi et obéi à ce que l’on nous imposait mais j’ai ce cri au travers de la gorge, ce cri muet comme celui d’Antigone face à l’édit de Créon : Est-ce ainsi que l’on traite les morts ?
Je porte ce vécu sur le plateau et m’empare aussi d’autres témoignages que j’ai collectés pour interroger notre rapport à la mort, à la place que notre société occidentale lui concède bien malgré elle. Je souhaite raviver ici la dimension sacrée de la mort et de la vie.
« Partir » est une célébration. Une expérience collective en l’honneur des morts et des vivants où je propose de vivre ensemble un rite funéraire singulier, vivant et festif, car la mort bien vécue n’est pas qu’une tragédie, comme l’atteste nombre des rites funéraires dans le monde.
J’imagine, le temps de la représentation, l’organisation d’un rituel inspiré de multiples traditions auquel mon père, grand voyageur, aurait certainement aimé participer.
En son honneur ainsi que pour celles et ceux à qui l’on a volé cet instant, je propose au public de le réinventer, de ré-enchanter joyeusement le deuil et transcender le « passage » vers l’inconnu.