L’envers du carnet c’est l’envers du décors de l’ethnologue. J’y note toutes mes petites observations, ressentis, remarques que je considère sur le moment pas directement en lien avec mon sujet de recherche ou pas très rigoureuses, car ayant souvent trait à l’affect, à une simple impression. L’envers du carnet est la partie exutoire du carnet de l’ethnologue. Celle où l'on peut gribouiller, où l’on peut déverser, s'énerver. Celle que l'on n’utilisera sans doute jamais, celle que l’on juge trop brute, trop abrupte, trop subjective, trop à chaud, trop immédiate, trop à fleur de peau… tellement pas scientifique.
Pourtant plonger dans ce que l’on veut taire c’est justement s’intéresser au processus de distanciation, d’objectivation et de théorisation. C’est mettre en lumière et analyser ma position et mon ressenti lors d'interactions qui sont la matière première de cette science tellement humaine. Difficultés, solitudes, énervements, phobies, incompréhensions, ethnocentrismes… Ces notes inmontrables, cette image défantasmée de l’ethnologue dans sa vie quotidienne sur le terrain, vont peu à peu dessiner ce qu’il demeure de la vie animiste des derniers Dayaks chasseurs de têtes vivant dans la jungle du Kalimantan à Bornéo.