Je suis une lépidoptériste, mais les papillons que je collectionne sont des phrases que j’attrape en plein vol, choisies pour leur forme, leur poids, les intonations qui les ont modelées.
Ma mère elle a les jambes comme des troncs d’arbre
Je les choisis pour la manière dont elles me percutent.
Avant de naitre j’étais mort si longtemps
Elles deviennent des fenêtres qui m’entrainent vers d’autres vies que la mienne.
Elle m’appelle la petite sans diplôme
J’aime quand elles sont maladroites, mal articulées, incongrues. Quand elles bousculent les lieux communs, réinventent les expressions figées.
Les phrases que je vole, je les consigne dans des documents notés «volés».
Mon projet consistera à exhumer ce larcin et à le recycler. Comme on écrirait à partir d’une vieille photographie trouvée dans un vide-grenier, elles recevront un nouveau contexte, une nouvelle histoire, des voix inventées.
Elles seront les répliques restées sans réponse auxquelles un interlocuteur, comme soudainement sorti de son sommeil, donnerait enfin suite.
Laure Bourgknecht